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Jeu vidéo, rétrogaming, et évasion fiscale

WhaWha, Je viens chez toi, back in toys et investissement : la spirale infernale du jeu rétro

Si vous avez une vieille Game Boy avec quelques jeux ou une vieille console SEGA achetée dans les années 90, vous êtes peut-être riche sans le savoir.

Depuis quelques années, les collectionneurs s’arrachent des vieilles consoles de jeux vidéo et des cartouches à des prix d’or dans une frénésie matérialiste et nostalgique. Ce phénomène dure depuis quelques années, mais il prend aujourd’hui une ampleur étonnante.

Vous souhaitez savoir dans quel monde vous vivez ? C’est simple, faites un tour sur Youtube et regardez les vidéos des fans de jeux vidéo rétro.

Les chaînes de vidéos Youtube se multiplient aujourd’hui comme des petits pains. La vague rétro qui déferle sur le monde du jeu vidéo attire de plus en plus de collectionneurs et d’experts qui vont s’attacher, vidéo après vidéo, à décortiquer le moindre aspect de chaque jeu, de chaque composant électronique et de chaque créateur.

Parmi les personnalités qui ont émergé de la nébuleuse Internet, on peut tout d’abord citer Florent Gorge.

Florent est l’auteur de nombreux livres qui couvrent l’histoire des jeux vidéos de Pac Man à Nintendo en passant par des choses un peu plus obscures comme la Pc Engine, une console de jeux peu distribuée en France par rapport aux concurrents SEGA et Nintendo.

À travers des vidéos didactiques, des présentations de voyages au Japon et de longues discussions live, Florent Gorge nous livre des anecdotes précises et des éléments qui permettent de mieux comprendre la naissance de certains jeux.

Ses vidéos sont des modèles et il n’est pas délirant de voir en Florent un véritable historien du jeu vidéo.

Mais, il y a aussi des personnalités comme celle de WhaWha et sa chaîne Back In Toys qui nous fait rencontrer des collectionneurs de jeux vidéo anciens. Ces gens vivent parfois entourés de jeux anciens qu’ils achètent par centaines sur des marchés, des brocantes, des boutiques spécialisées, des sites de vente ou auprès d’autres collectionneurs.

Signe que la demande est en hausse : les prix s’envolent. Ces collectionneurs dépensent alors des fortunes dans ce qu’ils appellent leur passion. Un passe-temps qui consiste principalement à accumuler des cartouches de jeux avec boite et notice dans un état irréprochable pour ne plus les toucher plus tard.

La plupart admettent d’ailleurs très peu jouer aux jeux. Il faut souligner qu’il s’agit d’adultes, très souvent des hommes, entourés d’une femme et d’enfants. Leur pouvoir d’achat leur permet d’acquérir ces « pièces » à des prix importants au motif de la constitution d’une collection. Mais leur temps est bien limité. Et ils l’utilisent grandement pour chercher toujours plus de jeux à ajouter à leur tableau de chasse.

Les termes qu’ils emploient sont parfois en anglais et un jargon propre à l’activité de collectionneur s’est constitué au fil du temps et des échanges sur des forums spécialisés. Ils parlent de jeux en état « mint », de « repro », et de « full set ».

Ce « full set » représente bien souvent un « must » pour le collectionneur. Il consiste à obtenir l’ensemble des jeux sortis sur une plate-forme. Ainsi, un « full set » Super Nintendo est constitué de 530 jeux PAL différents (c’est-à-dire sorti en Europe). Mais, si on compte les variations de packaging et les rééditions on peut arriver à environ 1800 cartouches à obtenir.

Le « full set » n’est bien souvent qu’un argument pour le collectionneur qui finira par débuter une autre collection de jeux, pour une autre console de jeu, une fois son désir assouvi.

Car, pour la psychologue Joéline Andriana , « le phénomène des collections provient d’un désir inconscient initial d’obtenir et de retenir des données, des objets, des aventures qui rappellent un moment heureux, une symbolique alliée à un plaisir, une personne, un contexte… »

La collection compulsive de jeux vidéo s’inscrit dans cette description puisqu’elle rappelle à un moment peut-être plus heureux (l’enfance) et stimule le désir d’obtenir toujours plus de choses de manière compulsive.

Ça, c’est pour l’aspect clinique des choses.

En pratique, les vidéos sont truffées de questions concernant l’argent. On y parle de combien on a dépensé pour avoir un jeu, de combien vaut tel ou tel jeu, de combien il faut pour acheter telle ou telle cartouche réputée introuvable. 

La valeur d’un jeu reste une question obsédante et une attention de tous les instants. En se rendant dans une boutique de jeux vidéo rétro, il faut être capable de faire des bonnes affaires. Le passionné qui achète un jeu 300€ alors qu’il ne coûte que 200€ est un pigeon – sauf s’il est proche du « full set ». Il y a toujours des exceptions...

Les jeux ont plus de valeur s’ils sont en bon état, si la boîte cartonnée n’est pas déchirée et si la notice n’est pas cornée. 

Le produit n’est plus le jeu (ils ne sauront jamais s’il fonctionne) mais le plus important reste l’objet en plastique représenté par la cartouche, la boîte et la notice. Ils disent vénérer les créateurs de jeux vidéos, mais ils vénèrent surtout les objets. Combien de jeux présents dans ces collections ne fonctionnent pas ?

Le cinéphile va acheter lui aussi de nombreux exemplaires de ses films préférés et se lancer dans des collections de films. Mais, c’est bien l'œuvre qui est au cœur du processus, c’est même pour cela que certains se jettent sur des versions originales, intégrales, non censurées ou remasterisées. 

Demandez à un collectionneur combien vaut son DVD de The Shining et il vous regardera l’air médusé.

Il ne faut donc pas se tromper, c’est bien d’argent dont il s’agit pour les collectionneurs de jeux. Ils investissent, comme d’autres investissent dans l’immobilier, les actions, l’or ou les montres de luxe. 

En ce sens, les collectionneurs de jeux rétro sont assez proches des gens qui achètent des Bitcoin. L’argument est toujours le même : cela peut prendre beaucoup de valeur. 

Il est aussi parfois question de se constituer un capital et, comme de plus en plus de gens, on constate dans certains milieux que les banques ne sont plus des endroits sûrs et que de l’argent qui dort sur un compte perd de sa valeur petit à petit inexorablement.

Mais attention au crash.

Comme dans tous les marchés, il est probable que la génération future des joueurs ne s’intéresse plus aux jeux NES, Game Boy ou Megadrive. Aujourd’hui, les jeux sont partout sur les téléphones et les contenus dématérialisés entraînent les jeunes à moins compter sur le matériel dans leur vie. Ce qui compte c’est surtout d’avoir le dernier iPhone et d’avoir un accès à Instagram, Whatsapp et Snapchat. Le reste, c’est accessoire.

Alors, ils vous diront qu’ils ne font pas cela pour l’argent. 

Mais, la nuit, je les imagine bien rester éveillés durant de longues heures en se demandant si tout ne va pas s’effondrer du jour au lendemain. 

Ils imaginent alors peut-être leurs enfants jeter tous leurs jeux à la benne après leur décès, comme ils ont jeté les timbres de leurs parents il y a quelques années.

Ce qui peut leur arriver de mieux serait sans doute que plus personne ne veuille de ces jeux. Ainsi, ils pourront ouvrir leurs boîtes si précieuses et commencer à jouer au jeu Musha Aleste dont ils ont tant entendu parler...